Login

« PRODUIRE BEAUCOUP DE LAIT PAR VACHE ET PAR HECTARE »

Afin d'accéder aux pâtures sans traverser la route, le Gaec a construit, en 2009, ce bâtiment de 115 logettes et 105 places de cornadis. La ration est distribuée le soir pour que les vaches valorisent bien l'herbe en journée.©C.H.

À surface égale, Bernadette et Guillaume Touroul ont quasi doublé leur production en cinq ans. Ils ont réduit le blé, l'atelier de jeunes bovins et le gaspillage fourrager. Ils ont misé sur l'intensification animale.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

PRODUIRE DU LAIT, C'EST LE PARI QUE FAIT LE GAEC LE BOCAGE, et ceci depuis 2009. Cette année-là, il met en service une stabulation de 115 logettes et une salle de traite à l'arrière 2 x 10 postes, mais équipée en 2 x 6. L'investissement est décidé en 2007 alors que le troupeau compte 60 à 70 vaches pour 550 000 à 600 000 litres. « Nous sommes éleveurs laitiers dans l'âme. Nous produisions les rallonges de quotas, voire avec un peu de dépassement, et nous vendions régulièrement une vingtaine de vaches en lait », se souvient Guillaume Touroul, installé en Gaec avec ses parents, Bernadette et Daniel, en 2003. Daniel est parti à la retraite sept ans plus tard (mais reste actif). Certes, ils auraient pu agrandir la stabulation paillée existante. Ils préfèrent la construire en face, de l'autre côté de la route, pour pérenniser le pâturage, entre autres. « Il fallait être systématiquement deux pour la traversée des vaches. » Une nurserie de 70 places adossée à la stabulation permet d'élever tous les veaux et de fournir l'atelier taurillons. Le coût total de l'investissement s'élève à 500 000 €.

« NOS TERRES ONT UN POTENTIEL ÉLEVÉ »

D'opportunités en opportunités, le désormais Gaec mère-fils est aujourd'hui à la tête d'un troupeau de 115 prim'holsteins et de 1,1 million de litres de livraisons... produits sur la même surface qu'en 2009, ou presque. Il vient tout juste de reprendre 8 ha, ce qui l'amène à 98 ha de SAU et 70 ha dédiés à l'atelier lait. Il lui a fallu réduire la voilure en cultures de vente et jeunes bovins pour mettre à disposition une douzaine d'hectares de maïs supplémentaires. C'est qu'en cinq ans, en conservant les vaches vendues auparavant en lait, le troupeau s'est agrandi progressivement de 50 laitières.

De 12 ha en 2012, la surface en blé passe à 2,2 ha l'an passé pour remonter à 4,5 ha cette année, aide Pac à la rotation des cultures oblige. L'atelier JB est conservé, mais l'achat de broutards est abandonné. Il descend à 60 mâles vendus par an, contre 90 il y a quatre ans. « Les conditions pédoclimatiques de notre zone facilitent cette orientation. En mauvaise année, nous récoltons 14 tonnes de MS/ha de maïs, en bonne 18 t. Il a fallu tout de même se bouger pour doubler notre production. » Dès 2011, les associés achètent une mélangeuse-peseuse, un équipement dont Guillaume ne peut plus se passer. « Nous sommes plus tatillons. Nous économisons les fourrages et les concentrés. Je gère mieux mes achats d'aliments », estime-t-il. Cette politique est également appliquée au pâturage. Comme la surface de 17 ha pâturés par les vaches reste identique, le temps pâturé, lui, logiquement, baisse : elles ne sortent plus qu'entre les deux traites. « Pas question de les lâcher le ventre plein et qu'elles paressent dans les parcelles. Le maïs-ensilage est distribué la veille au soir. »

« LE NIVEAU LAITIER A PROGRESSÉ DE 1 400 KG »

Parallèlement, l'alimentation des taurillons et des génisses est modifiée. De la paille y est incorporée. La ration, plus encombrante, réduit la consommation de maïs. Pour Xavier Beaufils, du CER France Manche, tous ces efforts sont payants. Il appuie son analyse sur le volume de lait produit à partir de la surface en maïs dédiée aux vaches.

« Vingt mille litres de lait par hectare et plus traduisent une bonne valorisation fourragère. Elle intègre bien sûr celle à partir du maïs, mais aussi à partir de l'herbe. Avec près de 33 000 l/ha l'an passé, le Gaec est largement au-dessus. »

Cette spécialisation laitière s'accompagne d'une intensification animale. De 8 900 kg bruts par vache en 2010-2011, le niveau d'étable passe à 10 357 kg en 2013-2014 et 10 169 kg en 2014-2015 avec des taux corrects (39,4 g/kg de TB et 32 g/kg de TP, résultats du contrôle laitier). « La race prim'holstein se prête très bien à notre stratégie d'intensification animale. Mais sans nos efforts depuis de longues années pour améliorer le potentiel génétique de notre troupeau, sans doute n'atteindrions-nous pas un tel niveau, estime Bernadette. Avoir un potentiel génétique élevé permet aussi d'augmenter ou de baisser un peu la production en fonction de la conjoncture en jouant sur le concentré de production. »

« NOUS NE COMPLIQUONS PAS LA COMPLÉMENTATION »

Pour l'instant, malgré la crise, les associés n'ont rien changé à leur conduite alimentaire. Afin d'économiser du correcteur azoté, ils redémarrent l'hiver avec un quart d'ensilage d'herbe dans la ration fourragère : une association de RGA + trèfle blanc récoltée au stade le plus optimal possible (l'an passé entre 0,87 et 0,90 UFL/kg de MS et 15 % de matière azotée totale).

« Nous ne compliquons pas la complémentation. Nous travaillons en matières premières », explique Guillaume Touroul. À savoir du tourteau de colza, du blé ou de la drèche de blé et du tourteau tanné de soja +

colza. « Ce type de ration simple est très ingestible, confirme Luc Delaby, chercheur à l'Inra de Saint-Gilles (Ille-et-Vilaine, voir p. 32). Sur la holstein, cela fonctionne bien. »

« SERRER LA VIS SI LA CRISE PERDURE »

Un hangar construit en 2012, notamment pour les stocker dans trois cellules, permet à Guillaume de passer des contrats de 30 t de tourteau de colza lorsque les cours sont intéressants. Cette productivité animale, combinée à des coûts maîtrisés, donne un coût alimentaire de l'atelier lait de 115 €/1 000 l, contre 154 € pour le groupe de comparaison.

Les associés résistent à la crise laitière grâce à l'épargne de précaution faite ces deux dernières. Si elle perdure, en plus de la réduction du concentré de production, ils réformeront les vaches à comptages cellulaires plus élevés, ce qu'ils ne font pas actuellement. Le jeune éleveur patiente également pour la pose de tapis dans les couloirs de la stabulation laitière qui deviennent glissants. L'investissement s'élève à 40 000 €.

Dorian Michez est embauché depuis septembre à temps plein pour l'atelier laitier. Il remplace Bernadette à la traite, aidée souvent de son mari. Le Gaec commence à se préparer à son départ dans quelques années.

©C.H.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement